Walkyrie
de Ava Baya et Pierre Pfauwadel
Théâtre transversal
du 29 juin au 21 juillet 2024 à 12h15 relâche les mardis
Des sons gutturaux, des voix, un fond sonore tellurique, montent de la terre, emplissent la scène, remuent nos ventres. Deux époques signifiants deux mondes se superposent comme si l’un venait en univers critique, dialoguer avec et se confronter à l’autre.
Les Amazones sont à l’aube de la guerre contre Athènes. L’enjeu est de taille, il concerne la possibilité d’affirmer leur suprématie afin de ne pas être bientôt détruites. Le problème vient de l’homme encore, toujours et lorsque ce n’est pas le père ou l’époux, c’est le fils qui pose problème. Hippolyte, fils de la Reine des Amazones, a été élevé par son père Thésée. Viendra-t-il avec lui en ennemi pour détruire irrémédiablement leur tribu ? Doivent- elles risquer de perdre la chance infime de vaincre les hommes et leur patriarcat ? Parviendront-elles à prendre l’unique décision raisonnable mais contre nature de tuer pour garantir un avénement à tenter ? L’infanticide comme le prix à payer par la reine pour protéger la tribu matriarcale sera t-il un dessein politique et démocratique ou le fruit de la seule volonté de mère d’Hippolyte souveraine des Amazones?
La tragédie est encore une fois au coeur de la famille.
La mise en scène de Pierre Pfauwadel fonctionne à merveille. Acculées à un choix impossible et mutilant, l’infanticide, les amazones conscientes de leur fin imminente et inéluctable, quittent leurs rôles et les comédiennes interrompent le jeu pour le questionner. En Amazones - difficile de quitter tous les attributs des rôles - elles s’emparent du plateau. Il s’agit alors de déterminer les limites, leurs territoires personnels, ces places distribuées, attribuées ou prises. Il y a des moments d’intensité folle, purement jubilatoire avec des acmés qui pourraient relever de la magie de l’improvisation tant la dynamique des comédiennes crèvent le plateau. Elles paraissent dans l’urgence de préciser leur rôle et c’est un peu comme si, elles réécrivaient la pièce. Le soliloque d’Hélène Rimenaid nous laisse pantois, celui de Laura Facelina est une performance d’analyse, Mélissa Polonie pratique admirablement le gant retourné et Sasoux Dosso comme Guillermina Celedon (en alternance avec Ava Baya) redistribuent avec brio les prérogatives des unes et des autres.
Quelle belle reconstruction !
La moto chevauchée puissamment sexuée au centre de la scène de distribution des rôles cristallise le désir phallique refoulé. Le blouson offert réconcilie les comédiennes et la sororité unit à nouveau la tribu devenue clan des Valkyries
La force vitale clôt la pièce comme elle l’a ouverte, avec la puissance incantatoire d’une langue guerrière puisée dans les entrailles de la terre.
Valkyrie signe un texte écrit. La mise en scène rigoureuse sert parfaitement la rigueur d’une écriture sensible et maîtrisée. Quant aux comédiennes, Amazones ou Valkyries, elles sont épatantes et bluffantes.
Très beau moment de théâtre. A ne pas manquer !
de Ava Baya et Pierre Pfauwadel
mise en scène Pierre Pfauwadel
Avec Ava Baya en alternance avec Guillermina Celedon, Sasoux Dosso, Hélène Rimenaid, Laura Facelina, Melissa Polonie.
création lumière Tania Mishina
création costumes Clara Grelié
compagnie Lencre
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