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The Soul Trembles

Photo du rédacteur: Nadine EidNadine Eid

Chiharu Shiota

au Grand Palais

7 avenue Winston Churchill 75008 Paris

du 11 décembre 2024 au 19 mars 2025

du mardi au dimanche de 10h à 19h30, le vendredi de 10h à 22h, le 5/02/2025 de 10h à 18h30.

fermetures exceptionnelles le 25 /12/2024, le 28/01/2025, le 11/02/2025, le 12 /02/2025 et le 11/03/2025.






Le Grand Palais marque l’année 2025 avec une exposition à ne surtout pas manquer, The soul Trembles de l’artiste japonaise Chiharu Shiota.

Ce très beau titre dit tout. L’essentiel est laconique, puissant, organique.


Where are we going ?  installée dans l’escalier monumental de l’entrée,  accueille le visiteur. Le blanc immaculé des fils entourent des barques flottantes telles d’immenses rémiges. Dès l’entrée de l’exposition, l’objet symbole, va à la rencontre de notre sensibilité. Le voyage, le départ et les liens purs, l’idéal virginal conféré par les fils blancs lénifiants nous invite et nous cueille au coeur de notre sensibilité, siège de nos émotions.  Cette installation monumentale, comme les autres de l’artiste puisent dans nos prédispositions à l’onirisme. Ses oeuvres sont puissamment organiques et éminemment poétiques. Elles renvoient toutes à des ressentis essentiels basiques qui immanquablement nous touchent par l’universel. Les thèmes évoqués sont ceux des grands mythes et rejoignent des archétypes qui tous nous émeuvent et nous font rêver voire fantasmer. Le spectateur est sollicité dans l’émotionnel pur, celui qui réfère aux fonctions vitales. Ce qui est suscitée, c’est l’émotivité immédiate, sans possibilité d’intellectualiser ou d’analyser les causes. Notre âme d’enfant est impacté et nos ressentis sont in medias res. L’objet quotidien dans les fils rouges blancs ou noirs de Chiharu Shiota devient un détonateur de souvenirs, de ressentis familiers ou connus, rassurants mais questionnant, ambivalents presque toujours. Parmi les sept oeuvres monumentales, Uncertain journey nous rapte littéralement. L’élément air devenu rouge entoure les barques noires desquelles partent ou achoppent les fils rouges. Réseaux sanguins, lagune vénitienne… les impressions sont ambivalentes mais l’intériorité prédomine. Plus loin une autre oeuvre monumentale toute de noire tissée impacte une vision fantomatique d’un lieu éloigné dans le temps., comme figé. In silence au delà du noir obscur couleur du bois brulé, provient d’un souvenir d’enfance . Celui de la maison incendiée d’un voisin de Chiharu Shiota. Elle aurait conservé le souvenir du piano brulé déposé à l’extérieur. Ce qui est magique, c’est que dans cette salle de concert aux trois quarts brûlés, le piano et les chaises vides abandonnées font exister l’absence et seul demeure le silence de ce piano aux touches sans mains.

De même l’installation Searching destination qui clôt l’exposition est perçue par nos entrailles. Pour beaucoup, imprégnés par l’horreur historique monumentale elle aussi, nous reverrons les photos des camps de la mort, les tas de cheveux, de vêtements, de boutons de valises entassées avant les chambres à gaz. Pour les plus jeunes, il s’agira peut-être de départs probables ou avortés vers un ailleurs aux allures de promesse puisque la courbe de l’installation est ascensionnelle. Pour tous néanmoins, cet escalator de valises est constitué de modèles anciens. Cependant, la dernière valise un peu plus petite, plus récente, au reflet mauve porte un espoir peut-être. Celle d’un ou d’une enfant ? Les souvenirs en procession escortent nos vies, en dessinent des chemins possibles, érigent des temples à nos croyances ou des tombeaux à oublier.


L’espace est au coeur de l’installation et les fils de l’artiste quelle qu’en soit la matière, l’investissent. Sur 1200 m2, vingt années de création de l’artiste sont exposées. Chiharu shiota  a très vite laissé la peinture traditionnelle et ses limites pour  explorer l’art de l’installation et ses espaces immersifs. Elle semble portée par un puissant désir, celui d’entrer en possibilité d’occupation des espaces. Ses créations ne sont pas exposées dans un lieu ouvert au visiteur, elles sont immersives et existent par l’accueil du corps et du regard de l’autre. C’est cette inclusion dans l’espace, ce rapport qui engage le corps que va chercher l’artiste.

L’espace est au coeur de l’installation. Les fils de l’artiste quelle qu’en soit la matière, occupent un vide avec lequel elle joue en continu pour aller vers des suggestions de pleins. Elle utilise la possibilité du vide total pour créer des espaces de vide occupé partiellement et peu à peu se dessinent des semblants de masses de fils qui sont comme des claires voies réaffirmant en elles l’espace inoccupé.

Dans des vidéos, ses performances révèlent des interrogations humaines essentielles.  Trying go home la montre nue tentant à maintes reprises de pénétrer dans une anfractuosité de terrain. La persévérance comme une nécessité animale questionne. Becoming painting  installation-performance par laquelle elle se recouvre de peinture émaillée rouge  marque sa transition vers ce nouvel art pour lequel elle délaisse toiles et pinceaux. Elle dessine dans l’air.

Les vidéos montrent  également ses participations à la scénographie de nombreux opéras qui tous portent la signature bien identifiable de l’artiste.

Avec Inside-outside et ses  2000 cadres de fenêtres récupérés dans Berlin Est. Toutes bises et de bois, elles interrogent la singularité du mur qui a séparé artificiellement des gens d’un même pays parlant une même langue. L’incongru réside aussi dans voir et/ou être vu. Celui qui regarde ou celui qui est vu finalement est le même différemment d’un côté ou de l’autre. Les vitres brisées se ressemblent, l’air des deux côtés est identique. L’inutilité, le factice est à son comble.


Pour Chiharu Shiota le cancer et sa récidive, les traitements et leurs effets indésirables, en filigrane déterminent des choix directs et prioritaires. On ressent l’urgence, la nécessité du vrai et la sobriété dans les moyens percutent la puissance des ressentis, les siens  peut-être, les nôtres assurément. Il y a chez elle de la technique de l’archer qui décoche. Chiharu Shiota est stupéfiante de ressources, ses oeuvres sont immédiatement perçues et importent durablement nos corps dans son univers. Les objets utilisés chaussures, valises, lits, robes…autour desquels s’entrelacent ses fils de laine, d’alcantara, de cuir, par le noir, le rouge ou le blanc, sont portés au delà du symbolisme, vers notre inconscient collectif qui vibre et s’émeut dans la communauté de nos archétypes universels.

A visiter sans modération jusqu’au 19 mars 2025.


Nadine Eid



The Soul Trembles

Commissaire de l’exposition : Mami Kataoka

Graphiste : Caroline Pauchant

Conception lumière : Société 8’18’’

Aménagement : CREATIFS

Eclairage et audiovisuel : LENI

Signalétique : OEil de Lynx

Production des sous-titres : Société VIVANT

Soutien à la production : Alcantara S.p.A

20 vues1 commentaire

1 Comment

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Guest
il y a 8 heures
Rated 5 out of 5 stars.

Magnifique article, on déambule dans cette expo même sans y être tant tout est superbement décrit!

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A Propos

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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