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Photo du rédacteurNadine Eid

Tebas Land

Tebas land

de Sergio Blanco

Espace ALYA

avec Otto JR et Robson Torinni

du 3 au 21 juillet 2024 à 20h15 relâches le 8 et le 15




La pièce Tebas land de Sergio Blanco auteur franco-uruguayen est connue dans le monde entier. Le public comme la critique l’a saluée dans plus de vingt pays et les prix et récompenses l’ont couronnée. Présentée pour la première fois en France au FESTIVAL Off 2024, le public ne doit pas passer à côté de ce texte porté par une judicieuse mise en scène et une remarquable interprétation.

Le thème central s’ancre dans le parricide et la culpabilité, l’Oedipe.

Un dramaturge souhaite écrire sur le parricide. Pour ce faire, il rencontre un jeune incarcéré pour le meurtre de son père et de cette rencontre va s’élaborer l’écriture de sa pièce.

Sur la scène côté jardin, une immense cage haute, plus exactement un terrain de basket au sein d’un centre de détention. Les décors de José Baltazar soulignent la mise en scène et clarifient tout comme les explications du dramaturge au public les trois rôles et les deux écritures. Otto JR. est stupéfiant dans son rôle de dramaturge didactique.

D’emblée la mise en scène de Victor Garcia Peralta place la mise en abyme au coeur même de Tebas Land. Ce terrain-cage dans la prison fait redondance et questionne. Le dramaturge commence par s’adresser au public pour lui exposer de façon très clinique son dessein et nous précise les prémisses et les modifications de son projet d’écriture. Il s’agira d’écrire le récit du meurtre qu’a commis ce jeune garçon vécu de son point de vue. L’auteur du parricide est d’accord et, après avoir pensé interpréter ce rôle lui-même, il se résout, au gré des refus successifs des octrois, et se contente de nourrir, de son histoire personnelle, le dramaturge. Il ne pourra pas non plus assister à une représentation et, de frustration en frustration, il accepte néanmoins d'occuper, afin de fertiliser l’écriture du personnage, le seul espace de liberté qui lui reste en propre : celui de la propriété de son meurtre.

Sur le plateau Robson Torrini interprète deux rôles, celui du jeune prisonnier et celui du jeune comédien qui jouera celui du prisonnier. Dans les deux interprétations, il excelle. Le prisonnier prend corps et s’incarne devant nous, se fait être en mots que le dramaturge, Otto JR. cueille et va travailler avec un moment plus tard, l’alter ego du prisonnier, le comédien. C’est redoutablement efficace et la mise en scène est sur le double fil du personnage et du comédien. Le public prend connaisance de cette écriture en élaboration. Le paperboard reduplique les pensées du prisonnier filtrées par le comédien qui s’approprie le rôle et les points d’articulation du déroulement de la pièce.

Lorsque le paperboard est recouvert au trois quart, on perçoit la fébrilité de l’écriture du dénouement. Ni chute, ni coup de théâtre, on est en écriture et la seule ouverture sera l’espoir et la promesse d’une visite lors d’un prochain voyage.

Entre-temps, le prisonnier comme le comédien interagissent sur le terrain de basket ambigu à la fois cage /espace de liberté par le jeu, mais signifiant interne du milieu carcéral. Il pourrait y oublier la détention, mais la phrase réflexe qui demande  « ferme la porte …. » montre à quel point, les verrous ne sont pas autour mais en lui.

En effet, victime d’un père maltraitant et pervers, il sait obéir à des injonctions faites siennes à coups de poings et d’insultes. L’enfant blessé est sans révolte autre que celle engendrée par l’ignominie de son bourreau. Les 21 coups de fourchette n’ont pas suffit à gommer l’enfance gaspillée, l’amour refusé et les blessures stigmates révèlent une gestuelle d’enfant silencieux, effacé. Sa posture ramassée est toujours celle de l’enfant qui ne parvenait pas à se faire oublier même en rasant les murs d’un père à la violence exutoire.

Lorsque le dramaturge prend congé de lui en le prenant contre sa poitrine, le père de substitution s’imprime en négatif absolu de la photo du jeune enfant face à la mer avec son père bourreau devant un flamboyant couchant. La mère battue  comme lui, la mère morte et un père qui ne l’est pas. Tout est dit ou presque dans son tableau familial. Le prisonnier en réalisant qu’il avait tué son père a compris qu’il avait tué l’image qu’il avait de lui mais pas celle qu’il se faisait de l’amour filial.

Les échanges sur la non culpabilité d’Oedipe sont édifiants car ils mettent en évidence, selon le meurtrier, sa culpabilité.

Quand l’intelligence du texte rencontre le talent d’un metteur en scène, celui des comédiens porte la création vers la reconnaissance unanime.

A voir sans hésitation aucune !


Nadine Eid



de Sergio Blanco

avec Otto JR et Robson Torinni

production en portugais sous titrée

mise en scène Victor Garcia-Peralta

décors José Balthazar

création lumière Maneco Qinderé

création musicale Marcello H.
















119 vues6 commentaires

6 Comments

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Pasteur Louis
Pasteur Louis
Jul 09
Rated 5 out of 5 stars.

Pour commencer, c'est une pièce en brésilien. L'auteur est uruguayen (il écrit en espagnol ? ou en brésilien ?) et il raconte comment il a eu envie d'écrire une pièce en faisant monter un meurtrier sur scène : un jeune qui a tué son père (avec une fourchette !) parce que ce père était un monstre, le battait, l'insultait, frappait aussi sa mère... Bref, le portrait de la misère sociale.


Mais voilà : faire monter un meurtrier sur la scène d'un théâtre, c'est presque impossible, et voilà notre auteur obliger de trouver une solution de substitution : ce n'est pas le meurtrier qui sera sur la scène, mais un acteur qui prendra sa place.


Mais est-ce bien sûr ? Car…


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Guest
Jul 08
Rated 4 out of 5 stars.

Belle pièce et des bons acteurs. Il y a un peu trop

de surtitres, des fois, on n'a pas le temps de regarder les acteurs.



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Pasteur Louis
Pasteur Louis
Jul 09
Replying to

Perso j'ai pas eu de mal à comprendre, quelquefois c'est tellement criant de vérité que je savais ce qu'ils disaient sans avoir besoin de lire la traduction ;)

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Guest
Jul 07
Rated 4 out of 5 stars.

A voir sans restrictions grand moment d'émotion les 2 comédiens d'une grande sensibilité vous embarquent dans le monde carcéral mais aussi celui de la maltraitance et de la tragédie familiale et peut-être de l'injustice la question se pose qui sont les victimes ? Qui sont les boureaux ?

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Adrian Odoloff
Adrian Odoloff
Jul 06
Rated 5 out of 5 stars.

Pour vous faire réflechir sans vous prendre la tête. C'est plein d émotion, et en sortant on a l impression d'être intelligent. C'est l histoire d'un meurtre. Mais c'est pas ça qui compte le plus. C'est l auteur qui veut en faire une pièce de theâtre et il nous explique son processus. Il y a un acteur qui joue deux rôle (le meurtrier et l'acteur qui va faire le meurtrier sur scène) et un autre qui joue l'auteur de la pièce qu'on est en train de voir. Moi ça m'a bouleversé et j'y pense encore .

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Guest
Jul 06
Rated 5 out of 5 stars.

Génial. Une pièce dans la pièce qui se passe sur le terrain de basket d'une prison. On ne sait plus où l'on est : au théâtre ? dans la vie ? dans la tête d'un écrivain ? Il paraît que cette pièce a été montée plus de 20 fois dans le monde et ça ne m'étonne pas 😍😍😍 (avec des sous-titres français visibles de partout)

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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