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  • Photo du rédacteurNadine Eid

Tatami


1h43

Utopia Avignon jusqu’au 24/09/2024

sortie en France le 4 septembre2024

Réalisé par Zar Amir Ebrahimi et Guy Nativ

Franco-Iranienne et Américano-Palestinien 2023



L’union des deux réalisateurs porte le sujet du film et son ambition. Tatami est une dénonciation de l’oppression et un hymne à la liberté qu’il faut défendre et recouvrer coûte que coûte avec courage et pugnacité.

Inspiré de faits réels, il rend hommage à tous les athlètes aliénés et brisés par la politique de pays totalitaires où la liberté est bafouée de toutes parts et en tous les domaines.


Leila Hosseini ( Arienne Mandi), une judoka iranienne accompagnée de son coach Maryam Ghanbari (Zar Amir Ebrahimi) arrivent à Tbilissi en Géorgie pour remporter la médaille d’or aux Championnats du monde de judo. Donnée comme favorite au titre, elle risque de devoir affronter en finale Shani Lavi ( Lir katz) la judoka israélienne elle-même considérée comme finaliste probable.

Les combats débutent et, très vite, Maryam Ghanbari se voit harcelée d’appels téléphoniques lui intimant l’ordre de faire déclarer forfait à Leila qui doit prétexter une blessure. Elle refuse dans un premier temps d’obtempérer à l’injonction pressante de la Fédération de Judo Iranienne et, pour protéger la concentration et le mental de Leila, lui cache les menaces et la pression subies. Mais très vite, au cours des victoires successives remportées par Leila, les menaces s’accentuent et les proches des deux femmes, sont nommément menacées. Maryam Ghanbari se voit contrainte d’en aviser Leila qui refuse catégoriquement toute soumission aux ordres qui maintenant émanent non plus de la Fédération Iranienne de Judo mais du gouvernement  de la République Islamique. La coach pour se défendre de la menace des agents des mollahs présents aux Championnats, abandonne Leila qui seule poursuit son ascension vers l’Or. La chaise vide auprès du tatami lors des combats ultérieurs montre à quel point, le chantage, les menaces mises à exécution, parviennent à annihiler l’opposition et fait de l’opposante une paria. Les mots prononcés sont définitifs « Leila Hosseini est morte, finie ».

Cependant, Leila a un soutien de taille resté à Téhéran, celui de sa famille réunie, rivée au poste de télévision et surtout celui de son époux Nader Hosseini (Ash Goldeh) et de leur jeune fils. Dans une ultime tentative de son coach qui tente en vain de la faire obéir à l’ordre de l’Etat islamique, elle lui dit de regarder son téléphone. Leila y découvre une vidéo de son père  kidnappé par le régime des mollahs lui enjoignant d’abdiquer sa chance de remporter le titre pour lequel elle s’entraine depuis tant d’années, titre qu’elle  souhaite ramener dans son pays l’Iran. Brisée par la douleur de voir les siens arrêtés, elle prévient juste à temps son époux  pour qu’il puisse s’enfuir avec leur enfant. La douleur endurée et la tension exercée la conduisent à  un geste d’automutilation ; elle brise symboliquement à plusieurs reprises  le miroir devant les lavabos des toilettes. Le regard qu’elle porte alors sur son visage dans ce miroir étoilé et brisé par son front fait écho au gros plan-voiture dans lequel son époux en pleine fuite avec son fils, lui demande de résister et de ne pas obéir.


La foi absolue dans le soutien indéfectible de son époux, remplace la défection de sa coach et c’est seule mais portée par l’amour et la confiance qu’il lui confère qu’elle va affronter non pas seulement ses partenaires de combat mais la tyrannie et la sujétion intolérables de ses oppresseurs. Epuisée par ce harcèlement remarqué sans conteste possible par à la Fédération Internationale de Judo qui finira par la protéger elle et son coach. Exercée à l’encontre de toute éthique sportive et plus particulièrement aux commandements du maître Jigoro Kano qui observe le Bushido, Code d’Honneur et de Morale des Arts Martiaux au Japon, l’oppression, à l’instar de l’aveuglement du régime islamiste prêt à l’utilisation de moyens bafouant la plus élémentaire des libertés, trouve dans ce film, un redoutable adversaire, la légitimité.


C’est traité avec une grande intelligence et une redoutable efficacité. Ce que la caméra filme est rigoureusement nécessaire, fait sens et porte notre vision sur l’essentiel à retenir, à comprendre. Le flash-back où Nader et Leila, dans l’intimité de leur chambre reçoivent un appel de la Fédération demandant à l’époux l’autorisation orale purement consensuelle de laisser Leila sortir d’Iran reçoit de la part de Nader une réponse affirmée qui stipule qu’il n’a pas à octroyer ou à refuser un droit en place de son épouse. Leila lui reproche l’inutilité de cette rébellion qui est en soi une mise en danger, une opposition risquée et l’autocensure semble de mise pour ne pas s’exposer à des risques inutiles. Un autre flash-back les montre tous deux, à Téhéran, un soir, se rendant en un lieu où, dès la porte franchie, elle arrache son voile comme il se débarrasse tout aussi prestement de sa veste pour courir l’un et l’autre sur la piste de danse, s’enlacer sans réserve, vivre libres. L’amour comme la vie supporte mal les entraves. Le choix du noir et blanc sert une  sobriété percutante et accroit le poids du joug iranien, celui du sujet réel écarte toute vison manichéenne.

La liberté muselée est signifiée par le voile. Son dernier combat, à bout de souffle, Leila le fera tête nue et marquera ainsi sa nouvelle respiration hors du carcan qu’elle fuit. Lorsque s’accroit la pression de la Fédération iranienne, sa coach porte de manière récurrente tel un tic, les mains à son voile et le réajuste  alors qu’il n’a pas besoin de l’être. Là encore, il s’agit de  signifier symboliquement la puissance de l’autocensure, celle qui résulte d’une éducation puissamment aliénante pour les filles puis invalidante pour les femmes et in fine consentie par obéissance forcée au chantage et à la punition. Les magnifiques plans en plongée dans le gymnase  stigmatisent la suprématie de l’état islamique et l’écrasement de ses sujets.

Guy Nativ comme Zar Amir Ebrahimi  ont su traiter le sujet de l’obscurantisme et de la terreur annihilés par la digne volonté de combattre mais à la manière des judokas, avec sincérité et respect, courage et honneur.

L’écriture des rôles est serrée, l’interprétation sans faille et les plans de combats sont extraordinaires, la caméra parvient même à filmer par en-dessous le travail des jambes qui cherchent la prise ou le balayage

Le rôle de l’époux est primordial, il signifie de façon indubitable que la pleine reconnaissance du droit de la femme est, comme celle de l’amitié possible entre l’Iran et Israel, créatrice et libératrice.

La scène du début avec Leila qui embrasse son fils pour partir en compétition est  reprise pour clore le film mais avec une modification  essentielle. Elle ne dissimule plus ses cheveux pour obéir à des lois machistes et se trouve comme dans les premières images du film assise dans un car au côté de sa coach. Elle a repris la compétition mais au sein de l’équipe des Réfugiés de la Fédération Internationale de Judo.

Cet enchâssement met entre parenthèses les scènes des différents combats qui jalonnent tel un chemin de croix le difficile et courageux combat d’une athlète qui, à défaut de ramener la médaille d’or à son pays, gagnera sa liberté et montrera l’exemple aux opprimées iraniennes, ce qui, il faut bien le reconnaître équivaut à un superbe ippon. Sore-made.


Nadine Eid



avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Jaime Ray Newman, Nadine Marshall, Lir katz, Ash Goldeh…


Erratum : Dans  la gazette d’Utopia N° 440 du 11 septembre au 1  octobre, il faut lire Israel/Iran et non pas Géorgie

      Cette belle collaboration entre les deux pays ne doit surtout  pas passer à la trappe pour une  banale confusion  avec le  pays où se déroulent les Championnats  du monde.

     

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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