Poétesses de l'exil
Le Figuier Pourpre
6 rue figuière Avignon
le 8 mars 2025
17h30/19h Rencontre et débat
20h30 Lectures
photos: N. Eid
Surtout aboie en silence mais par pitié tais-toi !
Apercevant son regard, elle sut immédiatement qu’il eut mieux valu se taire. La gifle s’abattit sur sa joue. Son univers de femme vola en éclat dans le présent qui déniait ce qu’elle était vraiment.Tout autant était morte celle qui avait vécu auparavant. Défilèrent alors les poupées bien alignées le long du mur de sa chambre rangée d’enfant sage et obéissante, les bulletins scolaires aux appréciations élogieuses, les amis chaleureux, les amants passionnés d’avant lui. Envolés tous. Elle resta posée là comme rien, une chose biffée, dans la force des paroles tues dans sa bouche et sut alors qu’elle devrait se taire avec tous les mots dans sa tête, dans le silence et le linceul de sa négation d’être.
NB
La maison de la poésie pour La Journée Internationale des Droits des Femmes a proposé une rencontre avec quatre poétesses* défendant le droit des femmes et dénonçant les violences qui leurs sont faites. Trois poètes portent en elles l’exil, Salpy Baghdassarian, Syrienne,d'origine arménienne, Mahtab Ghorbani, iranienne et Sofia Karampali Farhat, greco-libanaise. Sabine Vernaruzzo est issue de l’émigration italienne. Les quatre sont poètes et leurs mots sont au service de la revendication féministe.
En première partie, celle de la rencontre et des présentations, leurs mots pour se dire et leurs mots lus devenaient maux. Les violences conjugales comme les violences dues à l’exil, se formulaient sans filtre. Le farsi, l’arabe et leurs traductions lu par Sabine Vernaruzzo, le français, toutes les langues en présence se mêlaient en une unicité de voix, celles des femmes assujetties par l’oppression masculine. Au coeur de l’assujettissement, la violence et la liberté bafouée par le totalitarisme et le patriarcat. L’emprisonnement, les coups, la nécessité de l’exil, les menaces, nombre de mots pesants prirent le chemin de la poésie.
Alternant ensuite témoignages et lectures, les quatre invitées d’Alain Igonet, par la puissance de leur écriture, surent nous emmener sur les chemins des violences subies. L’exil comme un fil insécable pour le réfugié tissait une trame de lecture dans les ramifications du déracinement. Leurs voix semblaient unies par un indicible regret. Les multiples origines pour certaines n’y changeaient rien, malgré la joie d’être en paix et sauvées, le manque cruel, le désir d’y retourner vivre est dévorant. Entendre Téhéran en persan par Mahtab Ghorbani c’est oublier Li Beyrouth de Faïruz. Ecouter Salpy Baghdassarian en syrien dire son écriture c’est comprendre les vers de Gabriel Celaya la poesia es un arma cargada de futuro. La sobriété de l’écriture de Sofia Karampali Farhat percutait sans coup férir la cible. Les lectures de Sabine Vernaruzzo ont impacté, dans des registres variés, les auditeurs et l’on peut dire qu’ils ont été charmés par ses capacités.
Le public fut invité à intervenir. Les questions étaient pertinentes tout comme les interventions parfois divisées tant il est ardu de rester tolérant lorsque les religions et leurs dérives sont évoquées. Les interventions cédèrent la place aux échanges personnels, aux dédicaces de recueil et, pour les moins pressés, au partage d’un verre au bar du Figuier Pourpre.
Nadine Eid
* Les quatre poètes invitées, possèdent une qualité très féminine celle d’avoir de multiples talents. Vous êtes donc conviés à aller à leur rencontre sur le net. Belles découvertes !
Merci chère Nadine
Femme,vie, liberté