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Photo du rédacteurNadine Eid

Marat Sade


de Peter Weiss

L’Albatros Théâtre

29 rue des Teinturiers Avignon

du 3 au 21 juillet 2024 à 11h05 relâche le 9 et le 16







Les onze ultimes années de sa vie, Sade les a passées à l’hospice de Charenton où il fut interné. Il écrivit et monta plusieurs pièces des drames, des tragédies, des   pantomimes et des opéras. Il put les monter et même en être comédien. Pour les cercles parisiens, la fréquentation de ce lieu leur permettait d’assister à des représentations de qualité proposées par le Divin Marquis.

Marat Sade de Peter Weiss est une confrontation fictive entre les deux person-nages. De leurs rapports on sait que les deux hommes se sont croisés sans pour autant pouvoir établir de liens plus précis. Ce fut Sade qui prononça l’éloge funèbre de Marat mais là encore, d’aucuns arguèrent qu’il le fit de manière suffisamment ambiguë pour tenter de sauver sa propre tête de la guillotine, ayant appris qu’elle était inscrite sur la longue liste des futures décapitations. Fort heureusement pour nous et pour lui, des appuis influents lui permirent d’échapper à la barbare machine. Sade passa plus de 29 années en détentions diverses, en des lieux variés qui tous tentèrent en vain de réduire une absolue et totale liberté de penser et d’écrire.

Que de monde sur le plateau ! Des figurants? Des comédiens ?

L’Albatros a su pourtant permettre à la mise en scène de s’expanser sans limites autres que celles des corps des patients aliénés étonnamment contraints mais, semble-t-il éminemment lucides comme le personnage en camisole de force mi-délirant mi-porte parole de la vérité révolutionnaire expurgée par la Terreur. On sait la fascination de Sade pour cette sanglante période, on sait aussi que le déferlement de violence aveugle, inutile et surtout inefficace voire contre productive à l’avénement d’une République digne, l’a éloigné de l’idéal révolutionnaire dans lequel il peina ensuite à se retrouver.

Onze patients de Charenton évoluent autour de la baignoire emplie d’eau soufrée dans laquelle Marat vainement se plongeait pour pallier aux souffrances permanentes d’un eczéma singulier lui causant des démangeaisons insupportables. Des séquences ADN ont depuis permis d’identifier le champignon au nom exotique responsable d’une dermatite séborrhéique qui aurait pu évoluer en septicémie causée par les plaies ulcéreuses et épargnée ainsi les 24ans de Charlotte Corday conduite, par l’assassinat de Marat, à la guillotine.

D’abord longuement silencieux, Sade, est observateur du jeu des patients/comédiens qui vont jusqu’à faire montre de la pantomime de la guillotine. En file indienne il font glisser leur cou sur le fil d’un drap tendu et l’aspect historique de sang versé légitimé par la Terreur pour protéger les fondements de la Révolution  est mis à mal. Les nécessités invoquées paraissent de faux prétextes auxquels  nuls ne peuvent donner foi. Sade silencieux entend sans vraiment regarder toute cette agitation et lorsqu’enfin il prendra la parole, il fustigera sans nulle  concession, de son bel individualisme, l’esprit de masse collective emportée dans le bouleversement de l’après révolution. Incarné par l’élan sans frein de Marat vers une instauration du social et du politique dans le chaos de la terreur, la liberté de pensée individuelle de Sade est comme un reflet inversé d’un miroir intransigeant. C’est un peu comme un bras de fer entre la conscience de Sade en tant qu’individu contre l’énoncé point de vue de Marat peu crédible. Comment du reste croire un médecin incapable de se soigner ?

Le médecin assiste à la représentation et intervient pour enrayer les compensations tout en respectant les deux rôles principaux de Marat et de Sade.

Etrangement ses interventions arrivent à point nommé  pour diriger l’évolution des scènes et son personnage s’attribue un double rôle avec celui du metteur en scène. Il contribue à la mise en abyme de l’écriture de la pièce de Sade jouée sous leurs yeux et les nôtres. La mise en scène de Renaud Prévautel est une prouesse technique et permet un déploiement étonnamment fluide des treize personnages autour de cette baignoire matricielle. Les onze patients sont des personnages  typés et identifiables avec une économie de paroles et une caractérisation de pantomime. Tous portent les stigmates de pathologies reconnaissables. Le texte de Peter Weiss est dense, les propos attribués à Marat comme à Sade indiquent une belle connaissance historique pour l’un et littéraire pour l’autre. C’est du cousu main. Les comédiens sont bluffants et les applaudissements amplement mérités.

A inscrire dans la tête de vos listes à venir !


Nadine Eid

  


Avec Morgane Ambre, Mathis Arnould, Jade Billault-Chaumartin, Josselin Carsin, Pauline Dallier, Solenne Deineko, Camio George, Sulyvan Guyot, Frederick Hawkins, Maxime Magnat , Yann Malpertu, Gaëlle Mesguiche, Alicia Raffanel

mise en scène Renaud Prévautel

costumes Anouche Garand

régie Pyrène Saint-Picq

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2 comentarios

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Invitado
13 jul
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À voir absolument !

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Invitado
13 jul
Obtuvo 5 de 5 estrellas.

Excellent moment passé avec cette pièce. Je vous recommande vivement.

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A Propos

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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