Les Ritals
Dernière mise à jour : 23 oct. 2023
Théâtre du Chien Qui Fume
75 Rue des teinturiers Avignon
Le 20 Octobre 2023 à 19h30
Un Hommage Coloré à l'Immigration Italienne en France
Dans le cadre de la 7ème édition de la Semaine Italienne, La pièce de théâtre "Les Ritals," adaptée du premier roman écrit par Cavanna publié en 1978, offre une immersion truculente et émouvante dans la vie d'un fils d'immigré italien à Nogent-sur-Marne pendant les années 1920-1930. Habilement mis en scène par Mario Putzulu et joué avec brio par Bruno Putzulu, ce spectacle met en lumière la résilience et la détermination qui caractérisaient cette époque.
Une histoire racontée par le petit garçon qu’il était entre 7 et 16 ans, dont le plaisir principal était la lecture. Il nous transporte dans l'univers de sa famille italienne immigrée en France. L'histoire de son père, un maçon astucieux , ce papa qui construisait des maisons dans et pour la France qui, tel un véritable alchimiste, assemble des morceaux de mètres cassés pour créer un tout, peu importe si les chiffres ne se suivent pas. Il remplit ses poches de ce qu’il trouve, d’objets récupérés comme un clou ou un noyau de pêche, tout peut servir !Cette métaphore de la vie elle-même, où il faut faire avec ce que l'on a.
Ce papa est toujours heureux, bienveillant et positif. La maman, française et sa famille nés dans la Nièvre,ou Bruno Putzulu avec beaucoup d’humour nous les présente plutôt méfiants et pas trop souriants dans une caricature très drôle. Sa mère est femme de ménage, « une bourrasque » qui possède la force de caractère de ceux qui ont dû faire face à l'adversité. Elle râle pour tout et pour rien,mais rêve pour son fils d’un métier de postier ou de fonctionnaire, là où il sera toujours à l’abri, quelle que soit la météo.
Cette pièce nous plonge dans le quotidien de cette famille, avec ses hauts et ses bas. Les copains, la fugue à vélo, les bars, les facéties de la jeunesse, la vie en banlieue, et les dures réalités de la vie, du travail, la peur du chômage, les loisirs populaires mais aussi le rejet des « Ritals » par la société française de l’époque. Tout ceci constitue une toile de fond riche en émotions de cette famille humble mais riche de valeurs. Beaucoup de situations tendres et drôles, il est vrai que la couleur de la sauce tomate italienne colore joliment les macaronis contrairement à ceux un peu trop blancs que les français déversaient dans le caniveau...
Une table recouverte d’une toile cirée à fleurs, une ampoule suspendue au plafond, une veste accrochée dans un rai de lumière qui symbolise le père et où le petit garçon s’accroche et se réfugie bien souvent, cela suffit à donner vie au décor sobre d’un logement d’immigré italien de l’époque.
Bruno Putzulu excelle et bouleverse! Son interprétation incarne avec conviction, simplicité et talent tous les personnages et donne vie à leurs voix et silhouettes, qu'il s'agisse du jeune garçon, de l’adolescent, des copains, du père, de la mère, des ouvriers du BTP. Son imitation de Tino Rossi est sublime aussi bien dans ses mimiques que dans sa voix. Il nous entraîne aussi avec bonheur dans les pas de Charlot ou de Piaf. L’accordéoniste, Grégory Daltin qui l’accompagne interagit avec les personnages et offre un bel accompagnement et une complicité que ce soit dans une évocation malicieuse d'un bal-musette, où dans les scènes du quotidien. .
"Les Ritals", un plaisir pour ceux qui ont connu et apprécié le roman, une belle découverte pour les autres. Cette adaptation parvient à préserver la verve et la plume amusée de l'auteur tout en offrant une touche de nostalgie, notamment dans la façon dont il évoque son attachement à son père, ce bâtisseur étranger qui a contribué à façonner la France de l'entre-deux-guerres.
Une pièce à la fois divertissante et émouvante, et l'on se surprend à suivre les pas de Cavanna tout en revisitant une époque révolue, mais où le racisme est hélas toujours d’actualité.
Une citation de Bruno Putzulu résonne encore à nos oreilles bien après la fin de la pièce : "J'étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu'en fin de compte j'ai surtout raconté papa."La famille Putzulu, c’est aussi ça, l’émotion est palpable.
C'est exactement ce que cette pièce parvient à réaliser, tout en rendant un vibrant hommage à l'immigration italienne en France.
Une salle comble où le public a applaudi très longuement.
Fanny Inesta
De Cavanna
Avec Bruno Putzulu, Grégory Daltin
Mise en scène : Mario Putzulu
Lumière : Vincent Lemonnier
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