Les Fleurs du Swag
- Nadine Eid
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture
de La bande à Jacko
Au Figuier Pourpre 6 rue Figuière Avignon
Textes de piSouris
samedi 12 avril 2025 à 20h30
photos: N. Eid
L’intimité du Figuier pourpre a accueilli hier soir, un spectacle qui sort des sentiers empruntés, foulés par nos pieds toujours avides de connaissance et parfois un peu las de ne pas croiser l’inattendu d’une rencontre.
En première partie, Julien au chant et Benoît à la guitare, ont dessiné une complicité chaleureuse au sein de laquelle le public se trouvait en état de connivence incontournable. Les textes engagés traitant de sujets qui ne pouvaient que recevoir notre adhésion, ont interpellé le public ; mais ce qui suscitait l’attention c’était, hors le guitariste de talent qui l’accompagnait, la sincérité presque juvénile de Julien. Avec une spontanéité à saluer tant elle est rare sur les plateaux, il a su instauré sans détours le lien avec la salle. La voix au service des textes épousait avec une belle simplicité la guitare ou l’inverse. Puis, Mahir, Fabien et Benoît, les trois musiciens nous ont d’emblée invité sur leur propre chemin. La darbouka, la guitare et le saxo tenor ont, dans une seconde partie du spectacle, décliné les lieux possibles dans lesquels les suivre d’instinct, loin des standards connus de jazz et de rock, oublieux des arpèges confortables et rassurants. Un peu comme une initiation, ils ont su tisser habilement, au feeling - l’improvisation était le deal de la rencontre - un espace envoûtant propre à accueillir piSouris et ses deux lecteurs Hugues et Sévrénita.
Les mots, les textes brefs de piSouris sont jetés comme les notes des trois instruments. Les sons
se rencontrent, se saluent, se répondent et bavardent en soulignant parfois avec joie, mais aussi colère rentrée et humour décapant. Du temps des silences, s’extirpent des phrases soutenues par les conjugaisons des notes. La guitare parle et un étonnant langage su sans être appris nous percute. Le saxo sait murmurer, révéler des secrets à la guitare et la darbouka approuve cette douce complicité. La voix de piSouris inscrit ses révélations égrenées une à une. Feuille à feuille se déplient ses phrases courtes en forme d’aphorismes, ses haïkus comme autant d’évidences à partager dans l’urgence à formuler. Dire comme on écrit dans la nécessité impérieuse d’une respiration qui récuse l’étouffement des convenances, de l’admis, du correct à entendre. Ça et là, des clins d’oeil aux auteurs incontournables indiquent le terreau dense et riche de ses mots qui a fait germer une écriture typée, décalée à souhait et résolument sienne.
Il y eut, hier soir, deux ou trois moments extraordinaires dans lesquels la musique sut, et c’était magique, accompagner pleinement certaines de ses phrases, plusieurs de ses mots. Deux bémols cependant, en fond de salle, les voix parfois étaient inaudibles et l’usage d’un micro, afin qu’elles ne soient pas couvertes par les trois instruments, aurait permis de tout entendre des trois locuteurs. Sévrénita et Hugues apportèrent non seulement de la diversité mais aussi une distance à l’énonciation, comme si le texte, cautionné par d’autres voix que celle assurée de l’autrice, prenait un poids différent, affirmé et reconnu. Procédé efficace et intelligent.
Pour une prochaine représentation, il faudrait envisager un placement plus ouvert côté cour afin que le saxo ne soit pas masqué par le pupitre et le corps du locuteur. La présence d’un portrait peint à l’arrière côté jardin dans un rouge dominant rappelant la teinte de la robe de piSouris et les montures rouge de ses lunettes, questionnaient le public. Une bouche blanche, muette comme une page vierge à écrire, un regard humain ou animal ? Qu’importe, seul la bienveillance est identifiable et c’est probablement l’essentiel.
La durée du spectacle, peut-être un peu étirée a permis néanmoins une immersion quasi hypnotique dans un univers éminemment empreint de poésie mais également soumis à la force percutante des mots. Aux moments intenses il sembla même que le Swag cheminait vers la puissance du Duende et l’évidence du Dasein. Sortir de cette improvisation musicale de très belle facture et des textes de qualité incontestable est un truisme, il fallut le retour à la lumière et l’assurance de la nuit à vivre pour parvenir à s’en extirper.
Quelle belle soirée !
Nadine Eid
Textes de piSouris lus par Hugues, Sévrénita et piSouris
Avec Benoît générateur de sons et guitare, Julien au chant, Mahir aux percussions, Fabien au saxo et aux becs
Musique La bande à Jacko
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