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Photo du rédacteurNadine Eid

Jean Zay l'homme complet


Théâtre Episcène

5 rue Ninon Vallin Avignon

du 29 juin au 21 juillet 2024  à 11h30 relâche les lundis




Jean Zay, pour la plupart d’entre nous, est un nom qui conserve l’anonymat d’une identité. D’aucuns vous diront plus ou moins vaguement "c’est ou c’était un homme publique »  en intonation ascendante de question renvoyée ou bien encore qu’ils connaissent une rue, une place qui porte ce nom.

Mais qui est Jean Zay ?


Ce fut et c’est un homme politique, qui figure parmi les personnalités qui ont le plus oeuvré sur un temps trop court pour que la France soit, ce qu’elle est et a été.

Au delà de la figure emblématique du Front Populaire, il fut sous secrétaire d’état à la Présidence du Conseil en Janvier 1936 puis dès juin de la même année il devint Ministre de l’Education Nationale. Il n’a alors que 32 ans. Il a la charge des Beaux-Arts, réunit les Musées Nationaux, crée Le Musée de l’Homme, celui D'Art Moderne et celui des Arts et des Traditions Populaires. Il est à l’origine d’un projet de loi sur les Droits d’auteurs. Par ailleurs il soutient la recherche scientifique, crée le CNRS finalise le palais de la Découverte et met en place l’Exposition Universelle.


En juin 1940, il fait partie de ceux qui partent sur le Massilia pour constituer en Afrique du Nord un gouvernement protégé en exil. Ils sont arrêtés et condamnés pour « désertion en présence de l’ennemi ». Après un transfert à Marseille, il passera quatre années incarcéré à Riom. En juin 1940, il est enlevé par la milice et assassiné dans un bois.

A 39 ans, Jean Zay laissa sa signature sur un travail immense dans les domaines de la culture, de l’enseignement, des sciences. On lui doit la Prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 14 ans, le dédoublement des classes de plus de 35 élèves et les travaux dirigés, les classes de découverte. On pourrait encore citer une kyrielle de lois promulguées à son instigation mais surtout, ce qui nous reste aujourd’hui de tout son travail novateur et progressiste ce sont les piliers inébranlables de notre système éducatif et culturel basé sur les fondements d’une République démocratique. Son humanisme et sa clairvoyance en a fait probablement un homme dérangeant dans ces années de compromission nauséabonde du gouvernement de Vichy. Pressenti comme suffisamment  dangereux pour l’emprisonner durant quatre ans, il paya de sa vie, l’œuvre colossale de sa  trop courte carrière politique stoppée par ses assassins.

Son journal d’incarcération Souvenirs et solitude , nous offre une plume des plus abouties en matière de style, certes, mais aussi de richesse analytique de ses états émotionnels, de propos sur l’illégitimité des peines infligées au terme de procès véritables mascarades d’une justice à réformer. La poésie est partout même lorsqu’il est question de politique ; Jean Zay et l’homme à la culture humaniste transparaissent. Son journal, sous le sceau de confidences en résistance à l’ignominieuse privation de liberté, fait office d’une vie témoignée.

L’histoire enseignée dans les collèges et les lycées nous l’a occulté mais la mémoire du temps présent par l’écrit, le sien seulement, celui rédigé en captivité, nous le fait connaître et rétablit la grande injustice de ce passage à la trappe. ll faut remarquer que Juif, Franc-maçon, Républicain et résistant à Hitler, c’était un cumul de mandats guère tolérable. Ajoutée à cela l’esprit brillant, et entreprenant sa jeunesse prometteuse d’une carrière de Ministre placée sous des augures prestigieuses, il était donc le personnage à ne pas risquer pour la suite de l’après guerre.

La mise en scène intimiste de Michel Cochet sert admirablement l’interprétation  hypersensible de Xavier Béja qui a aussi signé l’adaptation.

La création lumière de Simon Lericq marque, dès le début de la pièce la réduction à  l’irréductible liberté. En focalisant les pieds, dans l’obscurité envahissante du plateau, il fait de la privation de liberté un enjeu à dépasser. Pour le prisonnier il va s’agir de conserver celle de son esprit en organisant simultanément une attitude de protection de son corps en dévoluant à ses émotions et à ses sentiments, une dimension intellectuelle. Les  plans lumière visage montre que la résistance, il la porte en lui et qu’elle s’organisera dans et par sa production écrite.

Sa souffrance est contingentée par l’incompréhension de ce qu’il lui est infligé, mais il ne peut s’y arrêter car ce terrain là est stérile.

Les événements en vidéo sur fond de scène, sont l’émergence des souvenirs étrangement présents. Xavier Béja livre avec une palette toute en nuances un rôle dans lequel le personnage se métamorphose au fil d’une prise de conscience qu’on peut, semble-t-il, qualifier de tragique. Se présentait-il exemplaire dans la rareté historique de sa sincérité ?

Pour le 80 ème anniversaire de son assassinat, saluons ce texte bien adapté dans sa mise en scène et parfaitement en lien avec l’homme illustre. L’interprétation fidèle du comédien au personnage sensible, parfois un peu réservé et intensément visionnaire de Jean Zay, révèle le soin apporté  à ne pas trahir l’homme par le personnage, et cela aussi est à saluer. Nommer sa rare intelligence est inutile, chacun de ses mots la souligne avec, en contrepoint, la certitude de la perte d’un homme qui avait encore beaucoup à faire pour ses compatriotes et en toute certitude pour la France.     



Nadine Eid




adaptation et jeu Xavier Béja

mise en scène  Michel Cochet

décor et Costumes  Philippe Varache

vidéo Dominique Aru

lumières Simon Lericq

création sonore  Alvaro Bello

Compagnie Théâtre en Fusion

Attachée de Presse Dominique Lhotte

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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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