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HUBRIS

  • Photo du rédacteur: Nadine Eid
    Nadine Eid
  • il y a 5 heures
  • 4 min de lecture


Théâtre de l’Adresse

2 av. de la Trillade

Avant- première Samedi 26 mai 2025

Off 2025 du 5 au 26 juillet 2025 à 15h45 relâche les mardis


photos: N. Eid



Le titre et l’affiche situent la pièce dans la prégnance de la force et le constat de ses limites.  L’Hubris est avant tout pour les Dieux grecs, ce qu’il condamnent chez l’ homme. L’orgueil, la démesure, la passion, l’outrance et ses corollaires que sont la violence et la transgression. Les héros sont parfois victimes de leur Ego qui les pousse, en quelque sorte, à tenter de rivaliser avec la puissance inégalable des Dieux. La cendre comme le sable s’échappe de la main qui s’en empare ; la nature du matériau est inadapté au contenant. Ce qui meut Achille, le dépasse. Sa dimension de héros tragique l’amène au vecteur de son existence, dessine cette flèche par laquelle il mourra plus tard et qui l’atteindra dans l’infime espace de sa vulnérabilité.

Ce qui frappe immédiatement c’est cette force tragique, cette impossibilité de s’y soustraire. La mise en scène de Clara Jauvart-lacoste s’attache à l’essentiel. Un fond et un ciel comme un dais de drap blanc. Au centre, un fauteuil, derrière lui au sol un tom basse sanglant et des projections sur la tenture. Le sol autour de lui est inondé de sang. Des voix derrière le fond de scène nous parviennent. Elles proviennent de mouvements perçus par les sons ; un peu comme les Erinyes, elles affirment, et semblent édicter dans l’urgence un oracle dont on ne saisit que des bribes.

Plus qu’une réécriture de L’Iliade et l’Odyssée, Hubris donne vie et voix à des rôles de femmes éclipsées par les rôles masculins des héros grecs. Achille et Patrocle questionnent les motivations de la dimension héroïque et les conséquences de cette démesure. La guerre s’invite comme un personnage et le sang versé par les mains d’Achille fait résonner son coeur, au rythme des autres coeurs, eux aussi emballés, affolés.


Louis Djabali incarne la démesure, l’obsession de cette gloire qui le condamne à rédupliquer un comportement mortifère. Son jeu est magistral et il maîtrise avec talent l’art de ne pas sombrer dans l’excès de ce qu’il incarne. C’est une prouesse de comédien à souligner même si l’écriture de son rôle contient comme, du reste, celui des autres rôles, la maîtrise d’un pathos dans lequel aucun des jeunes talents en scène ne s’approchent. Patrocle, le compagnon, l’amant probable, est campé dans un rôle pas seulement en contrepoints de celui d’Achille. Il est comme l’autre face du personnage  héroïque, celle qui n’est pas victime de la gloire insensée. Quand il comprend que ses supplications  demeureront vaines, il choisira sa fin en l’offrant à Achille. Corentin Gerold propose une interprétation très interessante du rôle de Patrocle. Il ne s’agit pas de faire valoir celui d’Achille mais bien plutôt d’en souligner les limites. La moïra n’est pas le Fatum, elle est partie du chemin de vie et comme telle est acceptée, vécue mais pas subie, endurée. Les deux rôles masculins interrogent la polarité des rapports de force. Comme pour les rôles de maîtres et serviteurs, le dominant et le dominé jouent dans l’indistinction de l’injonction et de la servitude, y compris au sein des personnages qui sont en proie aux paradoxes, à l’incohérence des conciliations. Le texte comme la direction artistique semblent oeuvrer dans une lecture plus affinée des responsabilités des rôles impartis. Le duo Achille Patrocle est au coeur d’une quête de la connaissance pour dénouer l’imbroglio d’un conflit larvé où la vengeance n’engendre qu’elle même sans résolution possible.  La victime est en quelque sorte celle qui attribue, institue un rôle et nomme celui par qui son rôle existe.

Clara Jauvart-Lacoste a donné paroles et corps à trois femmes. La mère d’Achille Thétis semble obsédée par la peur de perdre Achille, dernier rescapé de ses sept fils morts de sa surprotection. Inconsciente de sa responsabilité, elle persévère et finalement laisse en Achille une vulnérabilité qui lui sera fatale. Etrangement, son obsession pathologique à vouloir protéger et sauver son fils fait écho à celle d’Achille qui ne peut se détourner de son dessein de vengeance et de son entêtement  puéril.

Achille assis au sol, battant le rythme sanglant de la guerre dans le sang versé est certes pathétique mais surtout, il renvoie à l’image d’un enfant dérisoire pris au piège d’un jeu dont il ne comprend pas les règles. Le couple fils-mère comme le précédent évoqué, dysfonctionne. L’un et l’autre confrontent leurs obsessions et aux délires de l’un répondent les délires de l’autre, dans un impossible dialogue.

De même Chryseis et Briseis, les deux personnages féminins qui occupent une place centrale, interrogent les liens de la sororité féminine et brisent les registres des attitudes convenues. D’abord  liées par leur statut de victime, les deux cousines ont connus le même sort réservé encore aujourd’hui aux femmes dans les pays en guerre. Elles ont été des proies d’hommes qui, usant du terme « butin de guerre » attribuent un prix erroné à ce qu’ils bafouent d’évidence et déprécient en pervers, le corps des femmes. Cécile Garnier et Léa Michelot utilisent toutes deux l’expression des corps en cris pour dire le viol, crime de guerre. Il y a de la part de l’auteur, une recherche pour comprendre les ressorts des conflits. La terminologie doit être rigoureuse pour tenter d’expliciter. Le crime ou le meurtre n’est pas le vocabulaire de la guerre. Il y a l’ennemi et cet unique mot masque et occulte toute la complexité des enjeux entre l’assailli et l’acte de riposte. Il n’y a pas de victime si la victime s’institue bourreau. Pour rompre ce lien mortifère en aimant Achille, Briseis utilise la raison au coeur du sentiment amoureux et l’intelligence féconde. Achille « tout entier à l’hubris attaché », fidèle à son obsession se précipite avec Patrocle vers une fin d’avance annoncée.


Pour la portée de l’écriture à la fois ancrée dans la tragédie et ses archétypes qui font des mythes, des patrimoines atemporels et universels, pour la sobre modernité de la mise en scène et la qualité  de la création lumière et sons d’Ugo Busi, pour tous les thèmes non évoqués ici mais abordés avec pertinence et que vous découvrirez, Hubris mérite un public qui saura reconnaître la qualité d’un texte et celle des interprétations.

À voir


Nadine Eid


mise en scène Clara Jauvart-Lacoste

avec Louis Djibali, Cécile Garnier, Corentin Gerold, Clara Jauvart-lacoste, 

Léa Michelot

direction artistique Ugo Busi

Lumières et sons Ugo Busi

Compagnie Paizo




























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Nous sommes Fanny Inesta et Jean-Michel Gautier, chroniqueurs indépendants et surtout passionnés de théâtre, d’expositions, et de culture en général. A ce jour, nous créons notre propre site, avec nos coups de coeur et parfois nos coups de griffes… que nous partageons avec vous.

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