Greco, la vie d'une jolie môme
Théâtre de l’Optimist
50 rue Guillaume Puy Avignon
20 avril 2024
Festival OFF 2024 le 30 juin puis les jours pairs du 2 au 20 juillet en alternance avec ELLES jours impairs
Crédit photos: Fanny Inesta
Dans le respect des mots de Gréco, Dominique Bethune a donné la mesure de son talent d’artiste polygame.
Remarquable interprète aux services d’Auteurs difficilement qualifiables autrement que par leur génie, Dominique Bethune a offert sa voix à leurs textes et, bien au delà de l’expression des mots, elle est allée, avec son corps, cueillir des pans de vie de la Gréco.
De l’évocation de son enfance fracassée par le poids de ses origines - sa soeur et sa mère ont été déportées après avoir été tout comme elle arrêtées et torturées - à celle de ses premiers pas dans la chanson, Dominique Bethune adopte la fragile force, la sensibilité extrême de la chanteuse de Saint-Germain-des Prés.
A ses débuts, elle choisit ses auteurs, puis très vite sera choisie par eux, car tout dans la Gréco est à la hauteur de leurs écritures. Vian, Sartre, Gainsbourg… leurs textes sont des prétextes à incarner, à interpréter. Plus que la mythique Piaf, Juliette Gréco a la puissance scénique de Brel, de Bécaud et de Barbara. Dominique Bethune crame la scène. Elle happe nos regards rivés sur l’expressivité de son visage, elle les fixe sur son corps qui parfois seulement se réunit concentré en ses mains. Le geste à peine esquissé a déjà frôlé notre cerveau et nos pupilles attendent le prochain. Elle, comme les interprètes précédemment cités, est capable de nous faire ressentir physiquement ce qu’elle incarne.
Mais de qui donc est-il question? Juliette ou Dominique ?
Le miroir de la coiffeuse au centre de la scène ne parle pas.
Quand elle s’y assied pour endosser son rôle en coiffant la perruque brune de ses mains un peu émues, légèrement tremblantes, comment ne pas penser à son grand amour Miles Davis ? Dos au public, il savait extirper par ses notes, de nos âmes des émotions jusque là inconnues.
Alchimie de l’interprétation, elle fait vibrer celui qui la reçoit.
Plutôt que de distiller le superbe répertoire de Juliette Gréco, Alain Illel a préféré jalonner son itinéraire de quelques unes de ses chansons. Le sujet de la pièce c’est Elle, en construisant autour des rencontres marquantes, le personnage d’une chanteuse imprégnée par son époque, forte dans sa liberté, fragile dans sa sensibilité d’artiste, il a réussi à mettre en scène hors du champ muet du miroir, Dominique Bethune.
Lorsqu’elle raconte l’arrestation par la Gestapo, elle suggère l’intensité de la violence par le geste saccadé des mains projetées dans son dos et menottées. C’est une comédienne, ses gestes sont pensés et réalisés. Quand elle annonce l’emprisonnement, elle choit violemment, sa chute est signifiante d’une projection intentionnelle, c’est une danseuse, ses mouvements sont écriture, traduction. Quand elle cesse la narration pour se diriger vers l’emplacement du micro, ses pas sont ceux de sa voix, posés, graves, elle est chanteuse.
Dans cette réunion de trois talents, ce qu’on retiendra, c’est l’harmonie dans la conjugaison, le don et le travail de l’artiste. La comédienne sait jouer des retenues, des hésitations dans la justesse, la mesure. La voix est dessinée, contenue, sans vibrato, comme l’est son corps dans le simple fourreau noir qui le souligne. Le maintien dans les déplacements comme ses pas dépassent l’élégance ; ils semblent provenir d’une grâce innée qui elle n’est pas interprétée.
A n’en pas douter, il va falloir réserver dès l’ouverture des billetteries pour ne pas se trouver sur une liste d’attente en juillet.
Nadine Eid
Avec Dominique Bethune
Mise en scène Alain Illel
Sonorisateur Tchiné Perrin
Madame EID, je ne sais comment vous remercier...J'avoue qu'en lisant les mots, nés sous votre plume, qui évoquent si bien mon seule en scène "GRÉCO, la vie d'une Jolie Môme" mes larmes ont coulé. Je vous remercie infiniment. Dominique Bethune