Flux65. Exposition collective

Cloître Saint Louis

20 rue du Portail Boquier Avignon

du 28 janvier au 19 février 2025

du mardi au dimanche de 13h à 18h

" SOCRATE- Ainsi donc, chez celui qui ne sait pas, il existe, concernant telles choses qu'il se trouve ne pas savoir, des pensées vraies concernant ces choses mêmes qu'il ne sait pas?

MENON- Bien sûr !

SOCRATE- Et à présent ces pensées viennent de se lever en lui, à la façon d'un rêve..."

Platon, Menon

L’association Les trois A, Avignon Ateliers d’Artistes dans le cadre d’Avignon Terre de Culture 2025 propose une exposition intitulée Flux 65 qui laisse quasiment carte blanche à 61 artistes. Une seule directive, la cote 65 devra être attribuée à leurs oeuvres comme une dimension parmi les autres laissées au libre choix de chacun. En suggestion d’inspiration, le mot flux.

Associer ce terme à la cote du format raisin 50X65 c’est un peu conjuguer le banal à l’original.

Qu’est-ce que le flux, s’agit-il de l’esthétique des flux, celle d’un art sans repères, sans lois, sans références aux maîtres ? Faut-il plus simplement le comprendre comme l’énergie de l’art où tout circule sans fixité possible avec la conscience qu’une perpétuelle anamorphose engendre une contemporanéité du monde actuel, ressentie comme seule envisageable parce que mouvante et en devenir ? Le flux serait alors proche du flow « être dans la zone », celle d’un état mental où l’individu se trouve en pleine immersion dans une activité, en concentration plénière dans la création. Cette zone de la créativité, éprouvée et ressentie dans l’intensité optimale propice à la création artistique peut être comprise comme le flux.

61 artistes ont réussi à produire une oeuvre en jouant à leur guise de la contrainte, prétexte à s’octroyer toutes latitudes d’inspiration au coeur du flow. La superbe affiche de Julien Gaillardot réalise la prouesse de nommer tous les exposants en parvenant à évoquer le mouvement, la dynamique du flow. Sur deux étages, dans une scénographie de Sabine Théry, des peintures, des sculptures et des installations d’inspirations visiblement très variées s’offrent dans leur diversité. La pluralité des réalisations prédispose à prendre connaissance dans les catalogues de la multiplicité des trajets d’artistes qui visiblement révèlent des talents en cours d’approfondissement d’apprentissage tout comme d’autres qui  semblent déjà plus maîtrisés voire confirmés. Certaines factures peuvent paraître surprenantes mais c’est là peut-être aussi la richesse de cette association non clivante que de pouvoir produire des oeuvres plurielles avec parfois, des réalisations insolites. Parmi elles, certaines, didactiques, sont porteuses de messages clairement identifiables comme le réchauffement climatique et les menaces de disparition de la faune, la guerre subie par les civils, d’autres sont des invitations à déplier dans l’immédiateté d’un ressenti la simplicité d’un dessin archétypal qui va fouiller l’inconscient collectif imprégné de schèmes de l’imaginaire. Au gré de la visite, une kyrielle de stimuli comme une résultante de 61 flux venus à la rencontre de notre imaginaire, s’offre dans la force de leur singularité.

Inspiration…

La décontraction « mains dans les poches » du poète, le poids de la rougeur et la tristesse honteuse supportée par l’enfant plus lourde que le bonnet d’âne, la bleue transparence qui rivalise de reflets verts, les faux blancs qui prolongent les possibles du regard jusqu’au fond de la toile, comme une affirmation à toujours voir au delà, la croix qui place en son centre la résolution du tirage du tarot  tout en affirmant l’image christique non représentée mais indissociable de celle de la Vierge, les volutes bleues, élégantes et hypnotiques qui affirment que « Tout est chemin, flux et reflux », les oiseaux mouvements-d’encre et embossage s’envolent et rappellent avec diaïrétisme ceux des céramiques plus roides mais étonnamment tout aussi aériennes, la limite-frontière rouge entre les jours noirs amis des nuits blanches accuse la responsabilité diurne, des angles d’une poutrelle évidée s’échappent deux silhouettes sobrement suggérées, du ciel tombe rouge sur ruban blanc un peu du décalogue, l’essentiel peut-être « tu ne tueras point », avec pour manifeste à la paix, « la vie tu défendras », la précarité d’un équilibre réaffirme que le peu est suffisant et la forme et les teintes terracotta comme les silhouettes oblongues aux bras galbés dessinent l’assurance, la lame flamme de l’incandescence pointe et laisse entrevoir l’émergence du flux, le damier de collage crée l’illusion de pas au fil de notre marche, reflet de notre regard, les ondulations fluides de voiles rosées et orangées qui laissent transparaître la sensualité de cinq espaces paysages d’un fleuve-flux dans ses sinuosités, et finalement tout ce qui, dans les oeuvres exposées est, trouve son vecteur de créativité dans le flux

… Expiration.

À vous, à votre sensibilité d’aller les questionner y compris et surtout celles qui n’ont pas été évoquées ci-dessus dans le souci de ne pas être trop exhaustive.

C’est au Cloître Saint-Louis,  jusqu’au 19 février.

Nadine Eid