ÊKHÔ
Êkhô choeur de Chambre
MIROIRS
Chef de Choeur Caroline Semont-Gaulon
Collégiale Saint-Didier Avignon
10 avril 2024 20h
Ce fut hier un moment de grâce que d’entendre, sous la direction du chef de choeur Caroline Semont-Gaulon, Miroirs, un concert en deux parties au sein de la Collégiale Saint-Didier.
Caroline Semon-Gaulon est professeur au conservatoire de Montpellier et a crée en 2017, un ensemble baptisé du nom à l’étymologie grecque êkho. Les 24 choristes professionnels qu’elle dirige ont interprété l’Ave Maria de Dimitri Tchesnokov, un Mater dolorosa de Jacques Berthier, Jérusalem d’Isabelle Chauvalon ( 2ème création), un Exultet à double choeur de Christopher Gibert (commande d’Êkhô choeur de Chambre) et enfin une Messe à double choeur de Frank Martin.
La belle singularité de ce concert fut entre autre d’être offert en la présence d’Isabelle Chauvalon, celle du fils de Jacques Berthier, Christopher Gibert et enfin celle de Dimitri Tchesnokov, compositeur Franco-Ukrainien.
Deux heures avant le concert, Caroline Semont-Gaulon a réuni au Grand café Barretta, les compositeurs, les organisateurs, les rédacteurs …tous purent questionner et échanger à propos de la musique sacrée.
Il a été question pour le chef de choeur de notifier clairement que la musique sacrée et plus généralement la musique classique avait souffert du clivage et de la ségrégation élitiste. Le manque d’éducation dès l’école certes, mais au delà, un a priori sociétal éculé qui perdure tient encore éloignées les jeunes générations des concerts de musique et d’oeuvres de compositeurs pourtant contemporains. Il conviendrait donc de travailler à faire découvrir, ses oeuvres au plus grand nombre. Démocratiser et ouvrir à la curiosité de tous hors des carcans convenus la musique sacrée c’est un devoir en priorité pour qu’elle reconstitue dans l’avenir son auditoire mais surtout pour qu’elle continue à être exécutée.
Une oeuvre aussi géniale soit elle, n’existe vraiment que par l’oreille, l’oeil de celui qui la découvre. La réception est mêlée étroitement à la création. Le choeur est un partage de chacun des choristes qui, ensemble, entrent en communion et offrent cette synergie au public réuni en un même lieu ; la symbiose est à l’aune du concert, un accord plénier dans la joie partagée.
Le choix de mêler des écritures variées est judicieux car il a permis d’illustrer avec bonheur la pluralité des ressentis dans l’unité des variations, la Vierge de l’Ave Maria de Dimitri Tchesnokov se dessina comme une incontournable évidence, une base de lumière qui annonça la Mater Dolorosa dans l’obscurité universelle de la souffrance.
Le Jérusalem d’Isabelle Chauvalon inonda de lumière par ses notes d’ocres et de cinname et accompagna les harmoniques vers la quiétude de l’élévation.
La quatrième pièce, l’Exsultet commandée par le choeur de chambre à Christopher Gilbert, poursuit cette quête dans la joie et, avec la technique du Corri Spezzati (les choeurs se répondent et sont spatialisés), conduit hors la joie, dans l’exubérance contenue de la jubilation.
Quant à La messe à double choeur, partie finale oxymoronique, elle réunit les archétypes des structures schizomorphes* des deux premières pièces aux archétypes des structures synthétiques**.
La douleur divise, caractérise les contraires et les oppositions. La joie et l’aspiration à la verticalité unissent et relient le coïncidentia oppositorum*. La troisième pièce Jérusalem illustre cette structure synthétique***. L’exultet et la Messe à double choeur concilient, confondent et créent l’homogénéité, celle qui conduit à la gloire d’un Dieu de lumière.
Les pierres de la Collégiale, ont accueilli toutes les vibrations de ces notes vocales aussi distinctes qu’unies, aussi puissantes que ténues, aussi ancrées dans la temporalité que contemporaines. Le silence des pierres a longtemps résonné en écho des voix.
« La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer le silence. »
Miles Davis
* ibid. Gilbert Durand Les structures anthropologiques de l’imaginaire.
Nadine Eid
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