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Dernière mise à jour : 6 août
Au Figuier Pourpre
Maison de la Poésie
6 Rue Figuieres Avignon
Le 21 Juillet 2024 à 10h
Photos: Michel Eid
Dans le bel écrin du figuier pourpre, devant cafés et viennoiseries, les derniers réglages se mettent en place et dans cette ambiance chaleureuse,le public venu nombreux, s’installe. Puis, deux voix s’élèvent :
Face à face, dos à dos, Marine Fabre et Alice Pilette débutent tel un mantra par cette phrase:"Herbes folles aux rhizomes héroïques. La vérité me semble parfois avoir le goût d’un accident."
C’est une mise en garde subtile mais percutante! Comparée à un accident au goût amer, cette révélation pose les bases d'une lecture sincère et sans concession des thèmes abordés par le texte.
Marine et Alice sont décrites comme des "herbes folles aux rhizomes héroïques", une image puissante de vitalité indomptable et de force intérieure. Cette métaphore végétale évoque une résilience face aux défis de la vie adulte, une capacité à persister et à croître malgré les tempêtes.
Elles nous offrent une lecture vibrante. Alice, avec ses mouvements chorégraphiés, crée une symbiose parfaite entre le texte et le corps. Elle devient la respiration de Marine, chaque geste amplifie les mots lus. Elle symbolise l’union et la complétude et c’est très émouvant. Marine, l’auteure nous offre ses textes avec une réelle sincérité et l’on ressent tous les bleus qu’elle a encore à l’âme...
« Ça vous semble si loin dans le temps cette enfance-là, si perdu, pour toujours »
Les images d'enfance défilent comme dans un "cinématographe instantané", une métaphore qui souligne la nature éphémère et fragmentée de la mémoire. Le crash, évoqué comme un point culminant, est une révélation brutale et inéluctable, une collision entre le passé et le présent, entre l'expérience vécue et l'expérience imaginée.
Des textes poétiques et introspectifs, un véritable voyage dans les méandres de la mémoire et de l'identité. Ce récit fragmenté et dense nous plonge dans une série d’instantanés, des souvenirs et des réflexions qui semblent surgis du plus profond de son âme.
"Le bleu domine. C’est l’été. Déjà la vraie saison — on ne ment pas quand on est gosse, cela s’apprend— de mon être se conjugue au passé."
L’atmosphère onirique de "La chambre bleue". Les descriptions minutieuses et les images frappantes confèrent au texte une dimension presque tactile. La chambre, avec ses murs bleus, devient un espace de réminiscence et de révélation. La couleur bleue, omniprésente, symbolise à la fois la mélancolie et l’éveil.
Les textes de la jeune Marine Fabre oscillent entre différentes temporalités. L’enfance et l’âge adulte se superposent, se confrontent. Les souvenirs d’une enfance trouble et les découvertes de soi-même en tant qu’adulte s'entremêlent dans un flux de conscience poignant. Les réminiscences de sa mère évoquant des pleurs sur ses genoux où d’une révélation sur la Place du Palais des Papes à Avignon« Tu sais, quand tu étais petite, le soir, rentrée de l’école, tu pleurais sur mes genoux en disant que tu ne voulais pas être une fille. » Tu es sûre de ce que tu dis maman ? C’est important. J’insiste, à moitié incrédule. La petite bombe de la révélation et de la révolution qui s’est produite à l’intérieur de vous et dont vous êtes aujourd’hui complètement amnésique. "
témoignent d’une quête incessante d’identité et d’acceptation de soi. Mais si la nostalgie de l’enfance est palpable, ce sont les mots d’une femme qu’elle nous livre. Marine, du haut de ses 25 ans possède une force, une maturité et une intelligence peu communes...
La découverte de son orientation sexuelle, les questionnements sur le genre, et le désir de se conformer ou de s'opposer aux attentes sociales sont traitées avec une belle sensibilité. Les souvenirs d’enfance, marqués par le désir d’être un garçon et le rejet de son identité de fille, sont présentés avec une honnêteté brute qui touche profondément.
Elle réussit à créer une mosaïque d'images et de sensations. Elle nous offre une fenêtre sur son monde intérieur complexe et souvent tumultueux. La langue est à la fois poétique et directe, oscillant entre douceur et intensité.
Ses textes révèlent une lutte constante pour comprendre et accepter ses propres contradictions et blessures. "Aujourd’hui j’écris et avec mes mains, j’arrache les mauvaises herbes qui poussent dans ma tête, qui repoussent vite, et qui prospèrent, elles."
L’image des "mauvaises herbes" qui poussent dans l’esprit de Marine, symbolise cette lutte incessante contre les pensées et souvenirs envahissants. Son processus d’écriture est présenté comme un moyen de déterrer et de les arracher, une quête de clarté et de guérison L’écriture est perçue comme une forme de rupture au monde, une manière de se préparer à mourir tout en cherchant une forme de plénitude à travers les mots. Marine Fabre nous laisse sur une note de contemplation et de questionnement, reflétant la difficulté de l’existence et le besoin constant de trouver du sens.
L’écriture, selon ses textes, est une lutte constante, une immersion dans des abîmes personnels pour en extraire une forme de vérité et de beauté. C’est un voyage solitaire mais nécessaire, où chaque mot est une pierre précieuse ramassée sur le chemin, et où le noir est autant un allié qu’un adversaire. À travers ce processus, Marine Fabre ne cherche pas seulement à écrire, mais à devenir, à dépasser ses propres limites pour toucher à une forme d’immortalité littéraire. Une passion dévorante, nourrie par les livres lus et même par ceux seulement observés sur les étagères de la bibliothèque. Cette passion est à la fois une source de survie et de souffrance, elle devient un refuge et un besoin impérieux.
Un voyage intérieur qui ne laisse pas indifférent, un véritable acte de bravoure littéraire. Du beau travail!
Auteure : Marine Fabre.
Avec : Marine Fabre et Alice Pilette
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