Art et Transcendance
Dernière mise à jour : 10 oct.
Exposition-Rencontre de l’ASPA
« Art et Transcendance » du 18 au 22 septembre 2024 de 14h30 à 19h30
Chapelle de L’Oratoire 32 rue Joseph Vernet Avignon
Musique et danse jeudi et vendredi à 18h Anne-Cécile Brielles et jeunes musiciens
Les choeurs de l’Opéra Grand Avignon dirigés par Alan Woodbridge Samedi à 17h30
photos: Nadine Eid
Dans le cadre des Rencontres ASPA l’association Art et Spiritualité a proposé, dans l’écrin de la Chapelle de l’oratoire, une exposition d’oeuvres d’artistes réunis au carrefour d’une création centrée sur la transcendance.
Sans trahir chacune de leurs voies créatives, l’exposition a révélé dès le vernissage, non pas la valeur ajoutée mais l’expression signifiante du lieu.
Les deux ellipses concentriques des voûtes, contenues enserrées dans le contour d’un rectangle, expriment la puissance dynamique du cercle en déformation. Outre l’énergie du cercle en perspective, la symbolique de l’ellipse renvoie au progrès, à l’évolution et, en ce lieu, elle pourrait aussi faire référence au troisième oeil, l’oeil divin de la Providence. La main plus que posée sur la corniche, semble jaillir de la pierre pour indiquer à notre regard qui s’élève que toute aspiration est une structuration de notre être sujet et nous pro-jète dans la transcendance de l’ego vers un ailleurs, lieu d’émerveillement. Sa position est singulière et questionne quant à son intention. Main de Dieu ou main de l’architecte -ils furent nombreux à se relayer pour l’édification de ce monument- peu importe finalement car la position des doigts la présente comme l’outil de la création, celui qui va permettre l’expression de l’esprit. L’oeuvre d’art et toutes expressions artistiques s’ancrent dans les abysses des projections de l’ego de l’artiste-créateur. L’oeuvre en tant qu’objet intentionnel est transcendantale.
Celles exposées ont offert, dans leur singularité, des visions, des univers propres à chacun des artistes.
Les sculptures-matrices de Julien Allègre sont des invitations à explorer la complexité de l’homme en constante évolution avec la nature. L’esthétisme de ses sculptures revendiquent avec simplicité une beauté indubitable liée avec celle du monde par un lien puissant qui ouvre la voie de notre humanité. En ce sens, elles nous convie à l’introspection dans la rigueur et le respect brut de l’évidence, sans qu’il soit besoin d’explication.
Sylviane Bouchet, use d’une belle expression pour son art de sculpter « laisser venir en état de présence », tout se passe comme si l’élaboration de l’oeuvre est un cheminement qui ouvre la voie de l’expression de l’être avec les foisonnements des mémoires enfouies. Là, les matériaux sont les complices des possibles en surgissement, des devenirs où la conscience de l’ancien, se tissent de savoirs qui détiennent les secrets d’énigmes archétypales. Il n’est pas jusqu’aux ombres judicieusement portées sur les murs magnifiques rivalisant par le camaïeu de beiges stupéfiants qui n’ont transporté ses sculptures au delà de leur simple présence, vers de fidèles mémoires ravies par leurs mouvements. Les formes des corps de Pompéi sont rappelées dans leurs mystères.
Dans l’oeuvre de Virginie Cadart inspirée d’un poème de Shitao, l’encre et le pinceau outils de la calligraphie donnent forme à la vie intérieure, métamorphosent les idéogrammes, les déconstruisent pour créer en des lignes des oeuvres dans lesquelles vont s’expanser la spiritualité de l’artiste. Face à ses deux encres généreuses, le roman René Leys de Victor Segalen et ses énigmes affleurent pour rappeler que sur les plus insondables mensonges, s’édifient les plus somptueux palais. L’éphémère est une réalité fallacieuse car c’est en elle que demeure la permanence. Dans la fugacité est la perpétuation des choses et des êtres et l’immuable parait une appréhension autre, peut-être celle de la transcendance.
Le tableau en cinq parties de l’artiste Sylve Dauchet happe le regard dirigé sur les deux parties basses aux violets envoutants ouverts sur les nacrés des blancs et des beiges. Presque simultanément les trois parties du haut s’imposent avec un continuum de blancs, beiges et roses poudrés. Au point d’intersection du triptyque central, un carré se dessine comme l’émergence, l’expression de la transcendance. L’artiste exprime avec une forte puissance évocatrice cette voie ; « un espace parallèle marche à côté de nous et nous englobe », la convergence imparable du regard vers ce carré blanc, illustre superbement sa réflexion. La sobriété est redoutablement efficace et esthétiquement à couper le souffle.
C’est une scène d’Annonciation, son « Chemin de l’icône » qui s’est imposée à Agathe Idalie pour cette exposition. La peinture est la voie d’accès à son intériorité. Ses racines plurielles la constituent en mémoire d’être qui se construit, s’élabore sur un vécu et un devenir choisi. Elle cite à dessein Paul Récamier « Il ne suffit pas de naître ; encore faut-il construire sa naissance au monde. Il ne suffit pas d’avoir reçu la vie ; encore faut-il se la donner ». Dans cette oeuvre le verbe a sa place, le mot et les lettres invitent à réécrire, à s’instaurer auteur, actant de sa propre vie et avant tout de son être. Pour l’artiste, « l’oeuvre n’est pas un décor mais une présence ». La Vierge comme l’ange Gabriel sont réappropriés en personnages sous son pinceau. Sans trahir, elle emmène une imagerie conventionnelle vers son histoire personnelle pour permettre l’émergence d’une écriture picturale dans laquelle se mêlent la richesse de ses origines et le souci constant de l’être en devenir qui s’écrit en tableaux. A n’en pas douter, les chemins de la création sont pour elles parallèles à ceux de sa conscience d’être au monde.
Les oeuvres de Marie-Line de Montecot irradient sans incendier un univers d’équilibre qui s’impose au premier regard posé. Les couleurs chaudes ne ravivent pas, elles éclairent des faux blancs irisés, des rouges et des orangés qui étonnent de réserve et de sagesse. C’est calme, serein, en équilibre presqu’en attente d’un événement perturbateur. Mais la paix est concorde, ouverture à l’autre, au monde en toute conscience, en confiance absolue, sans menace présente ou à venir.
La riche image de l’échelle à gravir et les aspirations à l’horizon prometteur d’un ailleurs auréolé de lumière et d’un présent à l’infini viennent coïncider, en fausse opposition et en belle harmonie, avec la plénitude de ses oeuvres. Elle semble une artiste comblée par son art, en état d’accomplissement serein. Les pierres des murs elles-mêmes garantes de cette plénitude se sont faites amies et leurs teintes ont accueilli les toiles qu’elles ont superbement encadrées.
Pour Marie -Christine Mouly, la transcendance est puissamment verticale. La montagne par ses sommets, ses cimes enneigées, est l’image plénière de la transcendance. L’aquarelle lui permet de visiter à l’infini l’univers minéral de la neige, et plus vraiment celui de la glace. Les bleus, blancs, violines et verts rivalisent à chaque peinture pour redéfinir des visions différentes de la glace aussi variée qu’est changeant le ciel des cimes.
La montagne enneigée comme la glace n’est donc jamais identique à elle-même mais sans cesse en différence, en métamorphose. Il faut avoir gravi pour avoir observé à quel point la roche, la neige, la glace sont des éléments méconnaissables assujettis à la lumière des ciels changeants. La transcendance pour l’artiste est ce désir irrépressible de l’ascension, la voie d’accès à l’intériorité de l’être.
Alain Paul considère que la transcendance est « son état second créatif » Il survient lors d’une rencontre de matériaux, d’objets ou dans un état émotionnel propice. Au final de la création, une jouissance contemplative assortie d’un sentiment de libération apaise l’artiste qui explicite la sensation de se sentir vivant.
La création est la projection de l’être vers la transcendance, l’oeuvre est le témoignage, le produit de cette projection créatrice. Le désir est au rendez-vous et une force irrépressible mène l’artiste à son être en élaboration. Tout se passe comme si, la création parachevée de l’oeuvre conférait à l'ego sa matière spirituelle. Le temps et ses contraintes s’en trouvent éprouvés et l’éternité de l’éphémère vécue dans l’infini modifie les paramètres des contingences humaines.
En quelque sorte le rôle de démiurge est acquis dans la création artistique et la dynamique l’inscrit dans un temps vécu au présent sur le vecteur du futur proche dans la réitération de l’envie de créer à nouveau. Les sculptures de l’artiste invitent au silence de l’observation, celui qui cueille l’émotion, la pérennise et opère dans le regard du visiteur une perception aux accents alchimiques. Le regard s’en trouve cueilli et sourit.
Partant du constat sans appel que bon nombre de Saints ont été passés à la trappe du silence par l’Eglise, Dominique Pichou, avec talent, brio et faconde si besoin est, vient rétablir l’injuste omission. L’humour malicieux, la connaissance fouillée d’une histoire chrétienne inconnue et donc à connaître, s’expriment dans ces scènes bardées de références, truffées d’humour et pétries de culture.
La peinture regorgent de détails et la minutie rivalise avec un talent bien maitrisé. Rien n’est laissé au hasard et la cocasserie des scènes trouve une alliée dans l’exigence de l’exécution d’un artiste hors du commun, à découvrir sans tarder.
Les neuf exposants ont tous su, vous l’aurez compris sans ambages, répondre singulièrement à cette invitation à la transcendance questionnée. Qu’ils en soient salués ensemble dans leur particularité propre.
Nadine Eid
Exposants :
Julien Allègre, Sylviane Bouchet, Virginie Cadart, Sylve Dauchet-Macildo, Agathe Idalie, Marie-Line Montecot,Marie-Christine Mouly, Alain Paul, Dominique Pichou.
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